"B&W
Series", 26x95x10 cm, Pochoir et peinture sur verre
Versus est
un artiste polyvalent qui réalise des toiles et des customisations d’objets en
agençant de manière
dynamique des motifs symboliques, tels que
des éléments mécaniques, rouages et engrenages, des yeux, des motifs tribaux, des
masques, des formes géométriques, etc. Il emploie ces motifs de manière
récurrente mais les articule différemment au fil de ses créations. L’artiste explore
les différentes possibilités d’association entre les imaginaires que
transportent ces motifs et parvient à forger différents discours autour de
problématiques très actuelles. En effet, l’intérêt principal du travail de
Versus réside dans les questionnements sociaux et même philosophiques que posent
l’association de motifs liés à l’Homme, la machine et la nature. Il est
frappant que la place laissée à chaque motif est inégale : les engrenages
et éléments mécaniques imbriqués, qui évoquent des relations de cause à effet, sont
souvent prépondérants et enserrent parfois les motifs liés au thème de l’Homme
- comme les yeux ou les symboles tribaux-, à la manière d’un écrin ou peut-être
d’un piège. Les dents hérissées des engrenages renvoient une impression
d’agressivité et de froideur, renforcée par le choix des couleurs. De plus, l’accumulation
de ces éléments mécaniques révèle un système interne, cellulaire, comme si la
machine était un système organique, un monstre prêt à broyer l’humanité dans
ses rouages et qui l’aurai presque englouti. L’aspect envahissant de ces motifs
mécaniques dénonce l’actuelle survalorisation de la machine et la
déshumanisation progressive de l’individu dans la société occidentale. Leur
accumulation et leur association aux autres motifs, plus humains, posent
également un questionnement sur le
système actuel, complexe, en perpétuel mouvement et qui échappe
finalement à l’Homme, qui y participe et le subit. En somme, chaque composition
est une cartographie interne de la vision de Versus sur ces différentes
problématiques et peut être comprise de manière métaphorique, comme si les
motifs étaient associés à la manière d’un code qu’il faut décrypter. Ainsi, ses
œuvres semblent s’influencer entre elles, formant un univers visuel esthétique
et dénonciateur parfaitement cohérent.
"Blob From Space Serie", Collagraphie et bombe de peinture, 10 x 15cm, 2015
"Cosmecavege", Collagraphie sur papier, peinture acrylique, bombes et encres, 31x72cm, 2015
Pourriez-vous
dépeindre les grandes lignes de votre parcours artistique ?
Je ne me destinais pas à l’art de prime abord. J’ai
suivi un cursus graphisme et communications visuelles à Paris et j’ai
rapidement démarré une activité freelance. Dans un premier temps j’ai travaillé
pour des productions télévisuelles. Je concevais de faux visuels, logos,
journaux, packages en fonctions de différents scénarios afin d’éviter des
droits à l’image inutiles. J’ai également réalisé divers travaux de ce genre
pour des clients d’univers complètement différents (musicien, association,
éditeur de logiciels, décoration d’intérieur, etc.). Néanmoins, ce type de
création répond toujours à des contraintes et nécessite des concessions
constantes. Pour moi, la pratique artistique est un moyen de me détacher de la
pression que me causent les frustrations inévitables du travail à la commande.
Sous mon pseudonyme, je m’accorde une totale liberté et je m’autorise à faire
passer des messages sur des sujets qui me tiennent à cœur. Mes premières
œuvres signées "VS" n'ont vu le jour qu’en 2011 et ce n'est que
depuis cette année que je m’y consacre professionnellement, encouragé par les
retours très positifs de ma première expo. J’ai également réalisé quelques
collaborations avec un artiste nommé Lik, pour le collectif Dirty
Monkey et j’ai aussi participé à des expositions individuelles ou collectives,
notamment le mois dernier avec deux autres artistes, Jean Claude Cassier et
Laurence Brignon.
"Cellarhizome", Résine et Collagraphie sur papier de soie, encres, Support bois 15 x 15 x 1cm, 2015
"Mecacollacell" Red Serie, Résine et Collagraphie sur papier de soie, Support Bois 15 x 15 x 1cm
Comment
choisissez-vous les associations de motifs qui forment vos compositions ?
Quels sens ont-elles à vos yeux ?
Je travaille
un peu comme si je pratiquais une forme de l’écriture automatique, un peu comme
une forme de discussion entre mon inconscient et mon conscient. Mes sensations,
mes émotions du jour ou simplement le rythme d’une musique vont d’avantage
déterminer l’aspect final d’une œuvre qu’une longue réflexion conceptuelle et
maitrisée. Je laisse une place à l’imprévu, l’accident, l’incertitude, cela
rend l’exercice plus amusant et plus vivant, cela permet parfois d’aller plus
loin que ce que notre esprit avait prévu au départ. Une simple tache
accidentelle est parfois plus intéressante qu’un dessin parfaitement exécuté et
maitrisé.
Néanmoins, il
y a bien un acte métaphorique au travers de mes créations abstraites.
Mes
compositions articulent systématiquement des motifs liés à l’homme, à la
machine et à la nature. Ces trois thèmes s’imbriquent à mes yeux en une métaphore
d’un « Système », représentatif du monde actuel. Les engrenages représentent sa
complexité et le mouvement perpétuel dont il tire sa source. De plus ce motif
permet également de valoriser son aspect cyclique. Les yeux représentent
naturellement l’Homme, au centre de ce système dont il est à la fois acteur et
témoin et font écho à des motifs tribaux, qui sont une manière de rendre
hommage à ces peuples dits primitifs que le règne de la machine détruit. .
L’enchevêtrement fourmillant des formes et motifs suggère le chaos qui
caractérise ce système. L'ensemble est souvent structuré de manière organique
car ce chaos me semble vivant et en mutation permanente. Certaines de mes œuvres
sont d’ailleurs conçues comme des macros de cellules vivantes. En somme, il
s’agit d’une critique de la relation fusionnelle qu’entretien la société
occidentale avec les machines et de la déshumanisation qui en découle mais
surtout d’un constat par rapport au système actuel, qui ne me semble pas
fonctionner correctement.
"Mecazoïd
red and white serie", 15x15x1 cm (chacun), Résine et Vinyl (machine
cutting), support bois
"Mecacollacell
Brown Serie», 15x15x1 cm (chacun), Résine, collagraphie sur papier de soie,
support bois
Quelles sont
les principales techniques que vous employez ?
Je n’ai pas
de technique préférée. Au contraire, je les mélange pour obtenir ma recette personnelle
et un rendu visuel unique. J’emploie aussi bien le numérique que diverses
techniques manuelles telles que la réalisation de pochoir, des jets de
peinture, le dessin à la main, le collage, la gravure sur verre à l’acide, etc.
"Geisha", 50x50x4cm Pochoir sur toile (4 layers), bombes de peinture
3 bagues dans écrin gravé, diamètre 12mm, 2015
Quel rapport
entretenez-vous avec le street art ?
Mon travail est
lié au street art et à la culture underground d’une manière générale mais je ne
suis pas un artiste "street art" à proprement dit car je ne peins pas
dans la rue. Je n’hésite pas à utiliser des procédés similaires en customisant avec
mes motifs des objets de déco ou de la vie de tous les jours à la manière de Warhol
et Keith Haring.
Bague Steampunk, diamètre 25mm, 2015
"Torn Serie II Red" 1/2, Résine et Collagraphie sur papier de soie, Support Bois 13 x 24 x 1cm
Vous
inspirez-vous d’artistes ou de courants particuliers ?
Hormis le
street art et la culture underground que j’ai déjà mentionnés, mes artistes
favoris sont sans doute Jérôme Bosch, Dali et Escher, qui m’ont fasciné dès
l’enfance, auxquels se sont ajoutés un
peu plus tard Andy Warhol, Keith Haring ou HR Giger. Des artistes plus
récents m’influencent aussi: Bansky pour son coté contestataire et insolent, Mr
Zion, que j’ai découvert cette année, pour son univers coloré et ses thèmes
proches des miens. Blu pour ses performances et le côté complètement déjanté de
son univers mutant. Au cinéma, des réalisateurs comme Ridley Scott, James
Cameron, David Cronenberg ou Stanley Kubrick entretiennent mon imaginaire et
mes interrogations. Les multiples bandes dessinées que j’ai pu lire ont eu
aussi beaucoup d’influence. Par exemple, la bande dessinée Ranxerox de
Tamburini et Liberatore m’a profondément
marqué en me plongeant dans le monde cyberpunk, dont je suis toujours passionné.
"Sans titre", 13x18x1cm (chacun), Résine, collagraphie sur papier de soie, support bois, 2014
L’art engagé
de Versus invite à une réflexion globale sur la place de la machine dans la
société occidentale actuelle. Bien entendu ce questionnement n’est pas nouveau,
des Temps Modernes de Charlie Chaplin aux machines absurdes de Jean Tinguely,
de nombreuses voix se sont déjà élevées pour dénoncer l’oppression que la
machine peut exercer sur l’Homme. Néanmoins, le point de vue de Versus a ceci
d’original qu’il révèle la complexité déséquilibrée de la relation entre
l’homme et la machine et l’aspect malsain de leur fusion. Son travail,
particulièrement percutant, s’inscrit ainsi dans une perspective contestataire
innovante et mérite toute l’attention du lecteur, que j’invite à se rendre sur
la page de l’artiste et à suivre la progression de sa toute nouvelle carrière.
Cet article est bien senti, l’interview fort intéressante, et le travail engagé de Versus s’illustre dans une esthétique indéniable, ce qui est rarement assuré dans une démarche contestataire.
RépondreSupprimerC’est fort et c’est beau!
Ce travail mérite d’être suivi et encouragé.
Merci pour ces compliments et vos encouragements! Votre soutien est très apprécié. Au plaisir de vous relire!
SupprimerMerci pour ces compliments, c'est très encourageant.
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimersurprise qu'il n'y ait pas plus de réaction
RépondreSupprimerpeut être que l'accès aux commentaires n'est pas assez direct ? C'est dommage pour les artistes et pour Adele
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimer