Mots fléchés..., 2011, 32x44 cm
Olivier
Ulivieri est un artiste autodidacte, originaire de la région lyonnaise, qui
réalise depuis plus de trente ans des assemblages d’éléments de récupération.
La majeure partie de ses créations combinent quantité d’objets hétéroclites, de
morceaux de tissus, de papier coloré, à une substruction de bois aux lignes
élancées. Ce procédé provoque un itinéraire de l’œil, d’abord frappé par le
dynamisme de la forme globale de l’œuvre, puis qui s’attarde sur chaque petit
détail, comme hypnotisé par l’harmonie d’ensemble et la multitude qui la
compose. L’artiste semble métamorphoser le rebut en objets élégants et
précieux, qui évoquent des pièces d’orfèvrerie. L’assemblage d’éléments de
récupération confère aux œuvres d’Olivier Ulivieri une dimension écologique, qui
souligne la valeur d’un objet au-delà de sa fonction initiale. Ce travail
d’esthétisation du rebut offre une vision nouvelle de l’objet matériel, hors de
sa dimension consumériste et fonctionnelle. L’artiste exploite les formes, les
textures et les couleurs de chaque élément et, de manière ingénieuse, invite
ainsi le spectateur à explorer les imaginaires qu’il associe à chaque élément
individuel ainsi qu’à leur combinaison. Dans leur individualité, chacun de ces
objets peuvent aussi bien revêtir une connotation symbolique qu’évoquer un
détail du vécu personnel du spectateur, qui se trouve libre de les interpréter
comme bon lui semble, après s’être attaché à tous les reconnaître. Il est
intéressant de noter que l’artiste assemble ces éléments sans jamais les coller
ni les souder, comme s’il s’agissait des pièces d’un puzzle en trois
dimensions, naturellement faîtes pour s’emboîter. En agençant de manière
eurythmique les rebuts, comme s’ils avaient toujours été destinés à faire
partie de l’œuvre, les créations d’Olivier Ulivieri exercent un double
mouvement chez ceux qui les regardent : l’admiration de l’harmonie de
l’assemblage est inévitablement accompagnée par un sentiment d’intime
familiarité, invitant à la rêverie.
Comme une craquelure dorée qui
masquerait l'azur..., 2013, 48x21 cm
Récapitulons, pour voir!, 2012, 28x15 cm
Dans le but d’en apprendre d’avantage sur le travail
d’Olivier Ulivieri, je l’ai interviewé :
- Pourriez-vous détailler vos techniques et médiums
principaux ? Où trouvez-vous principalement vos matériaux ? Comment les
choisissez-vous?
- Mes assemblages sont construits pour la plupart sur une
base de bois que je ponce, polie et teinte à base de cire et pigments naturels
et très rarement à la peinture, sauf dans certains cas où les objets sont
trop abîmés. Je récupère ces chutes de bois chez des menuisiers, des amis
bricoleurs, dans la nature ou dans des déchetteries. Ensuite, j'essaie
d'utiliser des déchets "nobles", qui auront une bonne tenue dans le
temps, j’emploie notamment très peu de plastique. Je réalise également beaucoup
de collages papiers ; je choisis souvent des affiches lacérées, grattées,
cirées et teintées, qui ont attiré mon attention pour leur intérêt graphique et
certaines teintes.
- Quelle importance revêt à vos yeux la pratique
artistique ?
- Je pourrais dire que la pratique artistique est
quasiment une question de survie pour moi, je ne peux pas faire autre chose que
de créer. J’ai toujours récupéré des éléments considérés comme des déchets dans
le but d’en faire autre chose. La sémiologie que j’ai pu forger sur mon travail
au fil des années n’a été que le fruit d’une prise de recul sur cette pratique
spontanée et presque inexplicable.
L'analogie
des organismes, 2011, 18x47 cm
-Quelle place accordez-vous au processus de la récupération?
- Déjà tout petit je fouillais dans les poubelles, si bien
que mes frères et sœurs clamaient qu'on m'y avait trouvé et
qu'inconsciemment j'y recherchais mes racines... Bien sûr, j'emploie ce procédé
dans un but écologique, même si je ne suis pas véritablement écolo dans le sens
où je possède deux voitures, je me chauffe au gaz,
j'utilise l’électricité, etc. Cependant, j'ai toujours récupéré, pas pour
amasser mais réellement dans un but de m'en servir ou que cela serve à
d'autres. C'est un peu une philosophie de vie sans vouloir être trop pompeux !
Le
dernier jugement des trompettes, avril 2013, 27x25 cm
- A votre avis, quelle est l’importance de l’appropriation de
l’objet dans le domaine de l’art ? Quel message transmet ce procédé à vos
yeux ?
- L'appropriation de l'objet dans le domaine de l'art
permet de se dissocier et de se détacher du réel en invitant l'œuvre à
exister au-delà de sa propre matérialité. Bien entendu ce procédé a déjà été
employé, de la tête de bœuf de Picasso aux dadaïstes, de nombreux artistes se
sont déjà intéressés à l’assemblage d’objets, et ce n’est pas fini ! Je
pense en effet que l’importance donnée à l’objet matériel ne fait que croître
et que le gaspillage qui en résulte est toujours plus important : il
semble maintenant naturel de se débarrasser d’objets encore en bon état uniquement
pour s’en procurer de plus modernes. Or l’art de la récupération s’oppose
justement à cette dynamique malsaine et permet de diriger le spectateur vers
une réflexion sur son rapport personnel aux objets.
Ce n'est
pas en marchant de travers que l'on finit par aller tout droit!, 2012, 61x20 cm
- J'ai pu remarquer que vous employez des éléments très
hétéroclites : les choisissez-vous pour leur forme/ texture, leur valeur
symbolique, leur histoire? Que signifie l’association de ces éléments à
vos yeux ? Quels paradigmes cherchez-vous à transmettre en créant des
œuvres d’art avec des objets de récupération ?
- Je choisis les objets avant tout pour leurs propriétés
graphiques et leur forme, puisqu’il faut les assembler. Le plus souvent les
combinaisons se font naturellement, de manière spontanée. Cependant, dans un
second temps, il arrive que leur passé ou leur valeur symbolique resurgisse et
raconte une autre histoire. Quant à la transmission, je me bats contre
l'obsolescence programmée, la sur-consommation et tous les débordements
matérialistes inhérents à la société occidentale actuelle qui justifient le
gaspillage. Ma démarche artistique est une invitation à changer les pratiques
de consommation matérielle à l’échelle individuelle en prenant conscience de la
valeur réelle de l’objet.
A l'inverse du temps unique!, 2012, 30x12 cm
-De quels artistes, designers, courants ou thèmes vous
inspirez-vous principalement ?
- La liste serait vraiment longue, mais pour les principaux
ce serait: Francis Picabia, Francis Bacon, Nicolas De Staël, Antoni Tapiès, les
dadaïstes en général, le constructivisme. Je puise également mon inspiration
auprès de cinéastes tels que Federico Fellini, Peter Greeneway, Jim Jarmush,
Wim Wenders. Enfin, je suis également très inspiré par la musique.
L'opacité du centre..., 2012, 28x17 cm
-Avez-vous été soutenu dans votre démarche artistique par des
artistes, associations, collectifs ou autres?
- J'ai été soutenu par de nombreuses
organisations, notamment par l’association "L'AUTOBUS" qui
organisait le Festival International de Musique de Rue à Uzès (30), par le
groupe "CORRESPONDANCES" (avec Richard Brèchet, Jules Pièli, Olivier,
Jean-Pol Stercq, Werner Lambersy, Archie Shepp), mais aussi "LA
SPIRALE" en Belgique (Natoye) ou encore "Le Festival Singulièrement
Vôtre" à Montpellier.
Néanmoins, le travail collectif n’est pas tout et je
dois aussi beaucoup à des individus tels que Raphaël DJAÏM, danseur et
chorégraphe ou encore Stéphane DUBRAY, sculpteur-recycleur belge.
Sous le couvert des clous!, 2012, 22x14 cm
- J’ai pu saisir que vos œuvres sont des assemblages pouvant
être démontés, pourquoi avoir choisi de réaliser des œuvres
transformables ? Est-ce une invitation à créer pour le
spectateur/acheteur ?
- J'ai choisi ce procédé d'assemblage mécanique, sans colle
ni soudure, dans un souci de réparation en cas de chute, ce qui est déjà arrivé
à cause du poids important de certaines d'entre elles, ou pour
leur restauration si le besoin s'en fait ressentir. Il ne s’agit pas
vraiment d’une invitation à recréer l'œuvre, mais il faut dire que je
n'avais jamais pensé à cet aspect des choses. Cela dit, je serai maintenant
assez curieux de le voir !
En mon absence, le bol est vide, 2013, 26x20 cm
- Avez-vous des projets passés ou futurs que vous souhaitez
mentionner dans cet article ?
- Ma participation à une exposition lors de la 55 ème
Biennale d'Art Contemporain de Venise en 2013 et l'exposition
"Métamorphose" à l'Institut d'Administration des Entreprises à
Poitiers du 9 février au 13 mars 2015 organisée par l'association
"Empreinte".
Si l’art
de l’assemblage n’est pas neuf, la force de son message est encore et toujours
plus d’actualité : il permet, par le biais du visuel, d’exprimer une
réalité différente où le déchet, le rebut, ou l’objet obsolète voient leur
valeurs esthétique et imaginaire révélées par l’artiste au détriment de leur
valeur fonctionnelle, qui a été jugée nulle par un ou plusieurs individus. Face
aux créations d’Olivier Ulivieri le spectateur se trouve happé par la richesse
d’un univers visuel foisonnant et dynamique, évoquant les assemblages d’Alfonso
Ossorio. Rapidement, l’œil et l’esprit se perdent, vaquant d’un élément à un
autre, admirant la structure résultant de ces emboîtements de formes, et
s’interrogeant sur le vécu des objets. En effet, bien que transformés, les
objets du quotidien sont souvent reconnaissables et portent en eux une histoire
singulière, qu’on cherche à se dépeindre de manière hasardeuse, presque malgré
soi, en se posant mille questions sans réponse : qu’est-ce qu’ouvraient
ces clés ? Combien de kilomètres a parcouru cette roue de vélo? Ce tissu
provient-il d’un meuble, d’une tapisserie ? S’il serait bien vain de
tenter de répondre à ces interrogations, il reste certain que le travail
d’Olivier Ulivieri stimule aussi bien le sens esthétique que la pensée.
J’engage vivement le lecteur à visiter la page art majeur dédiée au travail
d’Olivier Ulivieri ainsi que sa page facebook afin d’en apprendre d’avantage
sur son travail :
Merci Adèle pour ce belle article de mon ami Olivier
RépondreSupprimerMais ne me remerciez pas c'est avec grand plaisir!
SupprimerYou have beautiful sculptural assemblages! I really like the way you have used such a diverse assortment of elements!
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