03/02/2015

Les assemblages d'Olivier Ulivieri


Mots fléchés..., 2011, 32x44 cm 


Olivier Ulivieri est un artiste autodidacte, originaire de la région lyonnaise, qui réalise depuis plus de trente ans des assemblages d’éléments de récupération. La majeure partie de ses créations combinent quantité d’objets hétéroclites, de morceaux de tissus, de papier coloré, à une substruction de bois aux lignes élancées. Ce procédé provoque un itinéraire de l’œil, d’abord frappé par le dynamisme de la forme globale de l’œuvre, puis qui s’attarde sur chaque petit détail, comme hypnotisé par l’harmonie d’ensemble et la multitude qui la compose. L’artiste semble métamorphoser le rebut en objets élégants et précieux, qui évoquent des pièces d’orfèvrerie. L’assemblage d’éléments de récupération confère aux œuvres d’Olivier Ulivieri une dimension écologique, qui souligne la valeur d’un objet au-delà de sa fonction initiale. Ce travail d’esthétisation du rebut offre une vision nouvelle de l’objet matériel, hors de sa dimension consumériste et fonctionnelle. L’artiste exploite les formes, les textures et les couleurs de chaque élément et, de manière ingénieuse, invite ainsi le spectateur à explorer les imaginaires qu’il associe à chaque élément individuel ainsi qu’à leur combinaison. Dans leur individualité, chacun de ces objets peuvent aussi bien revêtir une connotation symbolique qu’évoquer un détail du vécu personnel du spectateur, qui se trouve libre de les interpréter comme bon lui semble, après s’être attaché à tous les reconnaître. Il est intéressant de noter que l’artiste assemble ces éléments sans jamais les coller ni les souder, comme s’il s’agissait des pièces d’un puzzle en trois dimensions, naturellement faîtes pour s’emboîter. En agençant de manière eurythmique les rebuts, comme s’ils avaient toujours été destinés à faire partie de l’œuvre, les créations d’Olivier Ulivieri exercent un double mouvement chez ceux qui les regardent : l’admiration de l’harmonie de l’assemblage est inévitablement accompagnée par un sentiment d’intime familiarité, invitant à la rêverie. 



Comme une craquelure dorée qui masquerait l'azur..., 2013, 48x21 cm





Récapitulons, pour voir!, 2012,  28x15 cm


Dans le but d’en apprendre d’avantage sur le travail d’Olivier Ulivieri, je l’ai interviewé :


- Pourriez-vous détailler vos techniques et médiums principaux ? Où trouvez-vous principalement vos matériaux ? Comment les choisissez-vous?

- Mes assemblages sont construits pour la plupart sur une base de bois que je ponce, polie et teinte à base de cire et pigments naturels et très rarement à la peinture, sauf dans certains cas où les objets sont trop abîmés. Je récupère ces chutes de bois chez des menuisiers, des amis bricoleurs, dans la nature ou dans des déchetteries. Ensuite, j'essaie d'utiliser des déchets "nobles", qui auront une bonne tenue dans le temps, j’emploie notamment très peu de plastique. Je réalise également beaucoup de collages papiers ; je choisis souvent des affiches lacérées, grattées, cirées et teintées, qui ont attiré mon attention pour leur intérêt graphique et certaines teintes. 





 Un lit de noces aux chants lyriques, 2013, 35x17 cm.



- Quelle importance revêt à vos yeux la pratique artistique ?

 - Je pourrais dire que la pratique artistique est quasiment une question de survie pour moi, je ne peux pas faire autre chose que de créer. J’ai toujours récupéré des éléments considérés comme des déchets dans le but d’en faire autre chose. La sémiologie que j’ai pu forger sur mon travail au fil des années n’a été que le fruit d’une prise de recul sur cette pratique spontanée et presque inexplicable.





L'analogie des organismes, 2011, 18x47 cm


-Quelle place accordez-vous au processus de la récupération?

- Déjà tout petit je fouillais dans les poubelles, si bien que mes frères et sœurs clamaient qu'on m'y avait trouvé et qu'inconsciemment j'y recherchais mes racines... Bien sûr, j'emploie ce procédé dans un but écologique, même si je ne suis pas véritablement écolo dans le sens où je possède deux voitures, je me chauffe au gaz, j'utilise l’électricité, etc. Cependant, j'ai toujours récupéré, pas pour amasser mais réellement dans un but de m'en servir ou que cela serve à d'autres. C'est un peu une philosophie de vie sans vouloir être trop pompeux !




 Le dernier jugement des trompettes, avril 2013, 27x25 cm


- A votre avis, quelle est l’importance de l’appropriation de l’objet dans le domaine de l’art ? Quel message transmet ce procédé à vos yeux ?

- L'appropriation de l'objet dans le domaine de l'art permet de se dissocier et de se détacher du réel en invitant l'œuvre à exister au-delà de sa propre matérialité. Bien entendu ce procédé a déjà été employé, de la tête de bœuf de Picasso aux dadaïstes, de nombreux artistes se sont déjà intéressés à l’assemblage d’objets, et ce n’est pas fini ! Je pense en effet que l’importance donnée à l’objet matériel ne fait que croître et que le gaspillage qui en résulte est toujours plus important : il semble maintenant naturel de se débarrasser d’objets encore en bon état uniquement pour s’en procurer de plus modernes. Or l’art de la récupération s’oppose justement à cette dynamique malsaine et permet de diriger le spectateur vers une réflexion sur son rapport personnel aux objets.






Ce n'est pas en marchant de travers que l'on finit par aller tout droit!, 2012, 61x20 cm


- J'ai pu remarquer que vous employez des éléments très hétéroclites : les choisissez-vous pour leur forme/ texture, leur valeur symbolique, leur histoire? Que signifie l’association de ces éléments à vos yeux ? Quels paradigmes cherchez-vous à transmettre en créant des œuvres d’art avec des objets de récupération ?

- Je choisis les objets avant tout pour leurs propriétés graphiques et leur forme, puisqu’il faut les assembler. Le plus souvent les combinaisons se font naturellement, de manière spontanée. Cependant, dans un second temps, il arrive que leur passé ou leur valeur symbolique resurgisse et raconte une autre histoire. Quant à la transmission, je me bats contre l'obsolescence programmée, la sur-consommation et tous les débordements matérialistes inhérents à la société occidentale actuelle qui justifient le gaspillage. Ma démarche artistique est une invitation à changer les pratiques de consommation matérielle à l’échelle individuelle en prenant conscience de la valeur réelle de l’objet.





A l'inverse du temps unique!, 2012, 30x12 cm


-De quels artistes, designers, courants ou thèmes vous inspirez-vous principalement ?

- La liste serait vraiment longue, mais pour les principaux ce serait: Francis Picabia, Francis Bacon, Nicolas De Staël, Antoni Tapiès, les dadaïstes en général, le constructivisme. Je puise également mon inspiration auprès de cinéastes tels que Federico Fellini, Peter Greeneway, Jim Jarmush, Wim Wenders. Enfin, je suis également très inspiré par la musique.




 L'opacité du centre..., 2012, 28x17 cm


-Avez-vous été soutenu dans votre démarche artistique par des artistes, associations, collectifs ou autres?

- J'ai été soutenu par de nombreuses organisations, notamment par l’association "L'AUTOBUS" qui organisait le Festival International de Musique de Rue à Uzès (30), par le groupe "CORRESPONDANCES" (avec Richard Brèchet, Jules Pièli, Olivier, Jean-Pol Stercq, Werner Lambersy, Archie Shepp), mais aussi "LA SPIRALE" en Belgique (Natoye) ou encore "Le Festival Singulièrement Vôtre" à Montpellier.
 Néanmoins, le travail collectif n’est pas tout et je dois aussi beaucoup à des individus tels que Raphaël DJAÏM, danseur et chorégraphe ou encore Stéphane DUBRAY, sculpteur-recycleur belge.





Sous le couvert des clous!, 2012, 22x14 cm

- J’ai pu saisir que vos œuvres sont des assemblages pouvant être démontés, pourquoi avoir choisi de réaliser des œuvres transformables ? Est-ce une invitation à créer pour le spectateur/acheteur ?

- J'ai choisi ce procédé d'assemblage mécanique, sans colle ni soudure, dans un souci de réparation en cas de chute, ce qui est déjà arrivé à cause du poids important de certaines d'entre elles, ou pour leur restauration si le besoin s'en fait ressentir. Il ne s’agit pas vraiment d’une invitation à recréer l'œuvre,  mais il faut dire que je n'avais jamais pensé à cet aspect des choses. Cela dit, je serai maintenant assez curieux de le voir !



En mon absence, le bol est vide, 2013, 26x20 cm


- Avez-vous des projets passés ou futurs que vous souhaitez mentionner dans cet article ?

- Ma participation à une exposition lors de la 55 ème Biennale d'Art Contemporain de Venise en 2013 et l'exposition "Métamorphose" à l'Institut d'Administration des Entreprises à Poitiers du 9 février au 13 mars 2015 organisée par l'association "Empreinte".





Le cercle des bois (dé)composés..., 2012, 29x20 cm




Le protocole du râteau..., 2012, 49x15 cm




Si l’art de l’assemblage n’est pas neuf, la force de son message est encore et toujours plus d’actualité : il permet, par le biais du visuel, d’exprimer une réalité différente où le déchet, le rebut, ou l’objet obsolète voient leur valeurs esthétique et imaginaire révélées par l’artiste au détriment de leur valeur fonctionnelle, qui a été jugée nulle par un ou plusieurs individus. Face aux créations d’Olivier Ulivieri le spectateur se trouve happé par la richesse d’un univers visuel foisonnant et dynamique, évoquant les assemblages d’Alfonso Ossorio. Rapidement, l’œil et l’esprit se perdent, vaquant d’un élément à un autre, admirant la structure résultant de ces emboîtements de formes, et s’interrogeant sur le vécu des objets. En effet, bien que transformés, les objets du quotidien sont souvent reconnaissables et portent en eux une histoire singulière, qu’on cherche à se dépeindre de manière hasardeuse, presque malgré soi, en se posant mille questions sans réponse : qu’est-ce qu’ouvraient ces clés ? Combien de kilomètres a parcouru cette roue de vélo? Ce tissu provient-il d’un meuble, d’une tapisserie ? S’il serait bien vain de tenter de répondre à ces interrogations, il reste certain que le travail d’Olivier Ulivieri stimule aussi bien le sens esthétique que la pensée. J’engage vivement le lecteur à visiter la page art majeur dédiée au travail d’Olivier Ulivieri ainsi que sa page facebook afin d’en apprendre d’avantage sur son travail :





3 commentaires :

  1. Merci Adèle pour ce belle article de mon ami Olivier

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  2. You have beautiful sculptural assemblages! I really like the way you have used such a diverse assortment of elements!

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