Anna Nansky est une artiste peintre originaire de la région
parisienne qui réalise des toiles abstraites, constituées d’assemblages de
formes colorées, délimités par des lignes dynamiques qui structurent les
compositions. Ces ensembles d’éléments de couleurs vives forment des systèmes
complexes, décomposés, mathématisés, qui peuvent aussi bien évoquer une vue du
ciel qu’un ensemble cellulaire. L’artiste, explorant les possibilités
esthétiques de ces combinaisons d’éléments abstraits, semble topographier et
cartographier des mondes imaginaires dont on ne sait s’ils sont microscopiques
ou macroscopiques. De ce jeu sur les échelles se dégage une vision globale et
systémique, accentuée par la taille importante de la majeure partie de ses
toiles. L’artiste privilégie la vue de haut, jusque dans sa démarche technique,
puisqu’elle travaille en surplombant la toile, placée à l’horizontal.
Parcelle 18
Parcelle, collection privée
eaux profondes
Blonville, collection privée
Son travail suit une ligne directrice qui se divise en
arborescence : « J’exploite parallèlement plusieurs dynamiques et je
réalise souvent différentes toiles en même temps, que je mets de côté, poursuis
et transforme à divers moments, cela peut durer des mois ». Cependant, au
fil de ces explorations simultanées de plusieurs directions, on distingue
nettement une évolution dans son travail, dont elle a pleinement conscience: « J’ai
débuté ma carrière à 18 ans. Soutenue par un marchand d’art, je réalisais
principalement des abstraits à l’aide d’acrylique, de bombe et au pochoir.
Puis, j’ai été inspirée par la musique et les villes, en particulier Venise et
New York. J’ai notamment eu un véritable déclic lors d’un voyage à New York. Je
ne pensais même pas que qu’il existait des endroits pareils, j’étais une jeune
fille timide et je vivais assez recluse. J’ai alors ressenti un besoin de
peindre cette ville, de me l’approprier. A ce moment, j’ai commencé à agencer mes
toiles en réalisant un élément hyperréaliste se détachant sur un fond abstrait,
brut et très coloré. Cette démarche s’inspirait du travail de Toulouse-Lautrec,
qui valorise souvent dans ses compositions un élément précis, particulièrement
détaillé, en laissant le reste plus flou, à la manière d’un focus
photographique. Après une période difficile, la naissance de ma fille a
transformé mon travail artistique, j’ai commencé à tracer des lignes, d’abord
très droites, puis courbes. En remplissant de couleurs les espaces formés entre
les lignes, j’ai obtenu un effet de vitrail, que j’ai souvent accentué en
employant des lignes noires évoquant la structure métallique des
vitraux».
L'écossais
En effet, devant les toiles d’Anna Nansky, un parallèle se
forge immédiatement avec l’art du vitrail. Les tons bleus qu’elle emploie,
particulièrement vibrants, évoquent tantôt la lumière du soir tantôt le bleu
caractéristique des émaux de Limoges et contrastent avec la chaleur des
couleurs rouges et ocre et la douceur des tons roses et violets. Il émane une
luminosité particulière de sa palette de couleurs, qui rappelle les vitraux de
la cathédrale Grossmünster à Zürich, réalisés en tranche d’agate par Sigmar
Polke. Les effets de matière obtenus grâce à l’eau ou à la superposition des
couches de peinture acrylique révèlent des nuances qui suggèrent tour à tour la
transparence du verre, les aspérités de la pierre, l’aspect organique des
cellules. Son usage des couleurs vives et contrastées, séparées en
compartiments et en formes abstraites évoque les travaux de Piet Mondrian ou de
Maurice Estève. On note également une certaine évolution dans son travail de la
couleur : « J’ai commencé par employer des couleurs très vives, en
restreignant chaque toile à une seule tonalité de couleur. Puis j’ai entrepris
des mélanges et des superpositions».
La balançoire, collection privée
Lagon
A travers l’importante production picturale d’Anna Nansky,
on perçoit une multitude de sources d’inspirations, dont l’emploi peut
considérablement varier d’une toile à l’autre: « Je m’intéresse
beaucoup aux travaux de Juan Gris,
Georges Braque, Tamara de Lempicka, Juan Miro, Vassilly Kandinsky, Roy
Lichtenstein, Pablo Picasso ou Valerio Adami. De manière générale j’ai toujours
aimé le cubisme ». D’autre part, l’artiste reconnaît son intérêt pour les
sciences : « je puise une partie de mon inspiration de la géologie, la médecine ou
l’astronomie ». Cependant, elle ne se limite pas à ces sources
d’inspirations savantes et confie également s’appuyer sur son vécu :
« Je me suis rendue compte récemment qu’une grande partie de mon inspiration
provenait de mon enfance. Souvent il s’agit de souvenirs anecdotiques dont un
détail m’a particulièrement marqué. Par exemple, j’ai le souvenir d’avoir été
fascinée enfant, lorsqu’en vacances avec ma famille j’observais les cailloux
immergés dans le fond des rivières, leur agencement de formes et de couleurs
changeantes, transformés par le fil du courant et la transparence de l’eau.
Avec le recul, j’ai compris que ces chocs esthétiques de mon enfance restent
contenus dans mon inconscient et je les retranscris, parfois malgré moi, dans
mon travail ». Si la sensibilité de l’artiste marque d’une forte empreinte
le rendu final de son travail, Nansky souligne la nécessité d’une prise de
recul dans un second temps pour saisir la teneur de la toile: « Sur mon
site, j’ai choisi pour chaque œuvre certains mots-clés, qui retranscrivent les
différents sentiments que je lui associe. Néanmoins ceux-ci ne me viennent
qu’après la toile achevée, grâce à une prise de distance. » Son travail
mêle ainsi construction intellectuelle et sensible, spontanéité et réflexion
analytique, dans un processus échelonné et complexe de dégagement d’un
esthétisme unique, au fort pouvoir d’attraction.
Péninsule, collection privée
Sakura vernissage
Renaissance
L’artiste se dirige actuellement vers un travail de
dégagement de la forme. En employant d’avantage de blanc et en variant
l’épaisseur du contour des formes, elle réalise désormais des toiles plus aérées,
qui s’éloignent de la vue du ciel et du vitrail pour s’apparenter d’avantage à
des systèmes organiques ou cellulaires. Elle s’intéresse également à de
nouvelles techniques et souhaite s’attaquer à la mosaïque et aux émaux.
J’invite le lecteur à se rendre sur le site dédié à son travail, où se trouve
une grande partie de ses toiles et les annonces de ses prochaines
expositions :
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