11/11/2014

Les rouages du système selon VS (Versus)





"B&W Series", 26x95x10 cm, Pochoir et peinture sur verre


Versus est un artiste polyvalent qui réalise des toiles et des customisations d’objets en agençant de manière dynamique des motifs symboliques,  tels que des éléments mécaniques, rouages et engrenages, des yeux, des motifs tribaux, des masques, des formes géométriques, etc. Il emploie ces motifs de manière récurrente mais les articule différemment au fil de ses créations. L’artiste explore les différentes possibilités d’association entre les imaginaires que transportent ces motifs et parvient à forger différents discours autour de problématiques très actuelles. En effet, l’intérêt principal du travail de Versus réside dans les questionnements sociaux et même philosophiques que posent l’association de motifs liés à l’Homme, la machine et la nature. Il est frappant que la place laissée à chaque motif est inégale : les engrenages et éléments mécaniques imbriqués, qui évoquent des relations de cause à effet, sont souvent prépondérants et enserrent parfois les motifs liés au thème de l’Homme - comme les yeux ou les symboles tribaux-, à la manière d’un écrin ou peut-être d’un piège. Les dents hérissées des engrenages renvoient une impression d’agressivité et de froideur, renforcée par le choix des couleurs. De plus, l’accumulation de ces éléments mécaniques révèle un système interne, cellulaire, comme si la machine était un système organique, un monstre prêt à broyer l’humanité dans ses rouages et qui l’aurai presque englouti. L’aspect envahissant de ces motifs mécaniques dénonce l’actuelle survalorisation de la machine et la déshumanisation progressive de l’individu dans la société occidentale. Leur accumulation et leur association aux autres motifs, plus  humains,  posent également  un questionnement sur le  système  actuel, complexe, en perpétuel mouvement et qui échappe finalement à l’Homme, qui y participe et le subit. En somme, chaque composition est une cartographie interne de la vision de Versus sur ces différentes problématiques et peut être comprise de manière métaphorique, comme si les motifs étaient associés à la manière d’un code qu’il faut décrypter. Ainsi, ses œuvres semblent s’influencer entre elles, formant un univers visuel esthétique et dénonciateur parfaitement cohérent.  


"Blob From Space Serie", Collagraphie et bombe de peinture, 10 x 15cm, 2015 




"Cosmecavege", Collagraphie sur papier, peinture acrylique, bombes et encres, 31x72cm, 2015


Pourriez-vous dépeindre les grandes lignes de votre parcours artistique ?

Je ne me destinais pas à l’art de prime abord. J’ai suivi un cursus graphisme et communications visuelles à Paris et j’ai rapidement démarré une activité freelance. Dans un premier temps j’ai travaillé pour des productions télévisuelles. Je concevais de faux visuels, logos, journaux, packages en fonctions de différents scénarios afin d’éviter des droits à l’image inutiles. J’ai également réalisé divers travaux de ce genre pour des clients d’univers complètement différents (musicien, association, éditeur de logiciels, décoration d’intérieur, etc.). Néanmoins, ce type de création répond toujours à des contraintes et nécessite des concessions constantes. Pour moi, la pratique artistique est un moyen de me détacher de la pression que me causent les frustrations inévitables du travail à la commande. Sous mon pseudonyme, je m’accorde une totale liberté et je m’autorise à faire passer des messages sur des sujets qui me tiennent à cœur. Mes premières œuvres signées "VS" n'ont vu le jour qu’en 2011 et ce n'est que depuis cette année que je m’y consacre professionnellement, encouragé par les retours très positifs de ma première expo. J’ai également réalisé quelques collaborations avec un artiste nommé Lik, pour le collectif Dirty Monkey et j’ai aussi participé à des expositions individuelles ou collectives, notamment le mois dernier avec deux autres artistes, Jean Claude Cassier et Laurence Brignon. 


"Cellarhizome", Résine et Collagraphie sur papier de soie, encres, Support bois 15 x 15 x 1cm, 2015

"Mecacollacell" Red Serie, Résine et Collagraphie sur papier de soie, Support Bois 15 x 15 x 1cm 


Comment choisissez-vous les associations de motifs qui forment vos compositions ? Quels sens ont-elles à vos yeux ?

Je travaille un peu comme si je pratiquais une forme de l’écriture automatique, un peu comme une forme de discussion entre mon inconscient et mon conscient. Mes sensations, mes émotions du jour ou simplement le rythme d’une musique vont d’avantage déterminer l’aspect final d’une œuvre qu’une longue réflexion conceptuelle et maitrisée. Je laisse une place à l’imprévu, l’accident, l’incertitude, cela rend l’exercice plus amusant et plus vivant, cela permet parfois d’aller plus loin que ce que notre esprit avait prévu au départ. Une simple tache accidentelle est parfois plus intéressante qu’un dessin parfaitement exécuté et maitrisé.
Néanmoins, il y a bien un acte métaphorique au travers de mes créations abstraites.
Mes compositions articulent systématiquement des motifs liés à l’homme, à la machine et à la nature. Ces trois thèmes s’imbriquent à mes yeux en une métaphore d’un « Système », représentatif du monde actuel. Les engrenages représentent sa complexité et le mouvement perpétuel dont il tire sa source. De plus ce motif permet également de valoriser son aspect cyclique. Les yeux représentent naturellement l’Homme, au centre de ce système dont il est à la fois acteur et témoin et font écho à des motifs tribaux, qui sont une manière de rendre hommage à ces peuples dits primitifs que le règne de la machine détruit. . L’enchevêtrement fourmillant des formes et motifs suggère le chaos qui caractérise ce système. L'ensemble est souvent structuré de manière organique car ce chaos me semble vivant et en mutation permanente. Certaines de mes œuvres sont d’ailleurs conçues comme des macros de cellules vivantes. En somme, il s’agit d’une critique de la relation fusionnelle qu’entretien la société occidentale avec les machines et de la déshumanisation qui en découle mais surtout d’un constat par rapport au système actuel, qui ne me semble pas fonctionner correctement.

"Mecazoïd red and white serie", 15x15x1 cm (chacun), Résine et Vinyl (machine cutting), support bois


"Mecacollacell Brown Serie», 15x15x1 cm (chacun), Résine, collagraphie sur papier de soie, support bois

Quelles sont les principales techniques que vous employez ?

Je n’ai pas de technique préférée. Au contraire, je les mélange pour obtenir ma recette personnelle et un rendu visuel unique. J’emploie aussi bien le numérique que diverses techniques manuelles telles que la réalisation de pochoir, des jets de peinture, le dessin à la main, le collage, la gravure sur verre à l’acide, etc.


"Geisha", 50x50x4cm Pochoir sur toile (4 layers), bombes de peinture 


  
3 bagues dans écrin gravé, diamètre 12mm, 2015



Quel rapport entretenez-vous avec le street art ?

Mon travail est lié au street art et à la culture underground d’une manière générale mais je ne suis pas un artiste "street art" à proprement dit car je ne peins pas dans la rue. Je n’hésite pas à utiliser des procédés similaires en customisant avec mes motifs des objets de déco ou de la vie de tous les jours à la manière de Warhol et Keith Haring.


                                              
 Bague Steampunk, diamètre 25mm, 2015


"Torn Serie II Red" 1/2, Résine et Collagraphie sur papier de soie, Support Bois 13 x 24 x 1cm 

Vous inspirez-vous d’artistes ou de courants particuliers ?

Hormis le street art et la culture underground que j’ai déjà mentionnés, mes artistes favoris sont sans doute Jérôme Bosch, Dali et Escher, qui m’ont fasciné dès l’enfance, auxquels se sont ajoutés  un peu plus tard Andy Warhol, Keith Haring ou HR Giger. Des artistes plus récents m’influencent aussi: Bansky pour son coté contestataire et insolent, Mr Zion, que j’ai découvert cette année, pour son univers coloré et ses thèmes proches des miens. Blu pour ses performances et le côté complètement déjanté de son univers mutant. Au cinéma, des réalisateurs comme Ridley Scott, James Cameron, David Cronenberg ou Stanley Kubrick entretiennent mon imaginaire et mes interrogations. Les multiples bandes dessinées que j’ai pu lire ont eu aussi beaucoup d’influence. Par exemple, la bande dessinée Ranxerox de Tamburini  et Liberatore m’a profondément marqué en me plongeant dans le monde cyberpunk, dont je suis toujours passionné.

"Sans titre", 13x18x1cm (chacun), Résine, collagraphie sur papier de soie, support bois, 2014

L’art engagé de Versus invite à une réflexion globale sur la place de la machine dans la société occidentale actuelle. Bien entendu ce questionnement n’est pas nouveau, des Temps Modernes de Charlie Chaplin aux machines absurdes de Jean Tinguely, de nombreuses voix se sont déjà élevées pour dénoncer l’oppression que la machine peut exercer sur l’Homme. Néanmoins, le point de vue de Versus a ceci d’original qu’il révèle la complexité déséquilibrée de la relation entre l’homme et la machine et l’aspect malsain de leur fusion. Son travail, particulièrement percutant, s’inscrit ainsi dans une perspective contestataire innovante et mérite toute l’attention du lecteur, que j’invite à se rendre sur la page de l’artiste et à suivre la progression de sa toute nouvelle carrière.

09/11/2014

JF-iNk, enfant du Street Art

 
Wisdom, acrylique, spraypaint et paintmarker, 35x50 cm



JF-Ink est un artiste peintre polyvalent qui réalise un travail mêlant différentes techniques, de la calligraphie au pochoir en passant par le dripping, etc. Ses sujets sont variés et l’artiste possède un univers riche et personnel. L’intérêt principal de son travail réside dans ses combinaisons entre réalisme et abstraction, dont il marie les techniques de manière esthétique et cohérente. Ses toiles graphiques et percutantes évoquent naturellement l’univers du street art. Néanmoins, si l’artiste s’inspire de ce mouvement, son travail n’est pas soumis aux aléas de la rue et à l’espérance de vie parfois éphémère de la peinture présentée sur un mur dans l’espace public. En effet, il réalise son travail en atelier, sur toile ou papier et n’expose pas dans la rue mais en galerie. Les toiles de JF-ink révèlent en effet une certaine réflexion derrière la fluidité qui se dégage de ses compositions ; si elles transmettent un effet de fraîcheur et de spontanéité, elles n’en sont pas moins soignées et minutieuses. Dans le but d’en apprendre plus sur son travail, j’ai interviewé JF-ink sur sa pratique artistique.

 The eye, carte à gratter, 50x65 cm

Pourriez-vous retracer les grands axes de votre parcours artistique ?

Je suis peintre autodidacte, je n’ai suivi aucune formation artistique. Je suis simplement passionné d’art et cela fait maintenant une quinzaine d’année que je produis. J’ai commencé brièvement par le graffiti mais je me suis ensuite rapidement tourné vers le papier, le crayon, l’encre. Puis, je me suis intéressé petit à petit à la peinture, qui est finalement mon outil de travail principal. Cependant je ne me cantonne à aucun domaine, j’aime mêler les techniques dans mes toiles et aussi customiser des objets.

 Mega munny, acrylique, spraypaint et paintmaker

Vous qualifiez vous d’artiste street art ?

Non, je ne me considère pas vraiment comme un street artist étant donné que j’interviens rarement dans la rue. Néanmoins, je me considère plus comme un enfant du street art car je m’inspire de tous les mouvements et techniques qui s’y rapportent.
Je suis plutôt un artiste d’atelier, j’aime pouvoir prendre mon temps et savoir où je vais. La rue m’attire mais seulement pour réaliser des très grands formats, ce que je ne peux pas faire en atelier.



Share, acrylique, spraypaint et paintmaker, 50x70 cm

Vous inspirez-vous de courants ou d’artistes particuliers? 

Comme dis précédemment, l’univers du street art est une de mes principales sources d’inspiration. Pour ce qui est des artistes, il y a beaucoup de travaux qui m’ont marqués, mais ceux qui me viennent en tête sur le moment sont les artistes du collectif  9ème concept. C’est grâce à leur travail que j’ai eu envie de me plonger dans une maîtrise technique plus polyvalente. Le fait de voir une telle diversité de styles différents réunis de manière cohérente et esthétique m’a poussé à m’exercer et à expérimenter différentes techniques comme l’encre (mon premier médium d’où ce pseudo JF-iNk), le dessin, la peinture plus traditionnelle, la typographie, et aujourd’hui le pochoir. 
D’ailleurs, en parlant de cette dernière technique, c’est en me plongeant dans l’univers de C215 il y a 3 ans que j’ai eu envie de tester le pochoir. Mes premiers pas ne furent pas extraordinaires et j’ai rapidement abandonné ma première idée d’un pochoir  travaillé en multicouches. Néanmoins, j’ai gardé la technique de pochoir simple couche. Le gros avantage de cette technique est que je sais où je vais, j’ai une ligne directrice (le portrait découpé) et après je peux me permettre d’être plus spontané avec les couleurs et les contrastes.
Dans un autre registre, un de mes artistes préféré du moment est Bruno Leyval, un maître dans l’art du dessin à l’encre de chine.

Less is More..., liner sur carnet de croquis A3

Pourriez-vous détailler vos principales techniques ?

Je redessine la grosse majorité de mes portraits sur ordinateur, à l’aide d’une tablette graphique, afin de trouver les lignes principales. Puis, suivant le format, soit je les imprime (pour le format A4), soit je les redessine sur du papier 200g. Par la suite, après quelques heures je le découpe, j’applique les couches du fond puis les différentes couleurs. Enfin, pour donner plus de profondeur, j’ajoute les ombres et lumières à l’aide d'acrylique, soit sous forme de bombe espectro soit simplement par l’application d’acrylique en tube diluée. Vous pouvez voir presque tout le processus de création sur ma chaine Viméo : jf-ink stencils.

 Blackbook P1, paint liner sur carnet de croquis, 14x14 cm


 
 Blackbook P2, paint liner sur carnet de croquis, 14x14 cm

Vos portraits sont-ils issus de votre imagination ou de photos ?

Mes portraits sont tous issus de photos. Dès que je trouve une photo qui me plait, j’en fais un pochoir. Depuis peu, je collabore avec des amis photographes qui réalisent de magnifiques portraits et avec lesquels nous avons des projets d’expositions communes.

Crying colors, acrylique, spaypaint et paintmarker, 50x100 cm

J’ai pu remarquer une grande importance laissée aux contrastes (ombres et lumières mais aussi dans les couleurs), cet effet possède t’il une importance particulière à vos yeux ?

J’accorde effectivement beaucoup d’importance aux contrastes, principalement aux ombres et lumières car ce sont ces contrastes qui créent de la profondeur sur mes portraits. Si j’apprécie le coté brut du noir et blanc je préfère que les couleurs vives éclatent.  Il n’y a rien de plus plat qu’un pochoir simple couche et j’ai un besoin de suggérer du relief sur mes portraits, de leur procurer de la profondeur pour leur donner un peu de vie.


 
Behind blue eyes, acrylique, spraypaint, paintmarker, 140x200 cm

Avec vous des projets que vous souhaitez mentionner dans cet article ?

Je participe actuellement au Peace Helmet Project. Ce projet est porté par Wayne Anthony (auteur de Class of 88’) et le LSD (London Street-art Design) magazine. L’idée est de transformer un objet se rapportant à la violence en un objet d’art positif, ici le casque anti-émeute.  Vingt-cinq casques peints par différents artistes (Best/Ever, Mr Cenz, Dmark, My Dog Sighs, Stick…) seront ainsi exposés lors d’une exposition dans une galerie londonienne courant 2015 pour exprimer nos différents points de vue sur ce sujet.
 Grâce à l’association quimpéroise Trust in my art, j’ai également pris part à une exposition collective à but caritatif pour les enfants d’Haïti en mai 2014 : Safety Art. Pour ce qui est des projets à venir, je prépare en ce moment une exposition solo à « Ma Première Galerie », qui est une galerie d’art contemporain et Street-art à Quimper. Cette expo démarre le 29 Novembre 2014.
En parallèle, nous réfléchissons, avec un ami photographe portraitiste, à un projet d’exposition ou de performance qui confronterait nos médiums respectifs.
 

Beauty, acrylique, spraypaint, paintmarker, 100x100 cm 
 
Le travail de JF-ink est caractérisé par des compositions originales, des couleurs vives et des contrastes forts. S’il ne produit de manière professionnelle que depuis 2012, je lui prédis un bel avenir artistique. Son univers visuel mérite toute l’attention du lecteur que j’invite à découvrir plus en détail sur son site : http://www.jf-ink.com/