22/03/2015

L’art systémique d’Anna Nansky



Anna Nansky est une artiste peintre originaire de la région parisienne qui réalise des toiles abstraites, constituées d’assemblages de formes colorées, délimités par des lignes dynamiques qui structurent les compositions. Ces ensembles d’éléments de couleurs vives forment des systèmes complexes, décomposés, mathématisés, qui peuvent aussi bien évoquer une vue du ciel qu’un ensemble cellulaire. L’artiste, explorant les possibilités esthétiques de ces combinaisons d’éléments abstraits, semble topographier et cartographier des mondes imaginaires dont on ne sait s’ils sont microscopiques ou macroscopiques. De ce jeu sur les échelles se dégage une vision globale et systémique, accentuée par la taille importante de la majeure partie de ses toiles. L’artiste privilégie la vue de haut, jusque dans sa démarche technique, puisqu’elle travaille en surplombant la toile, placée à l’horizontal.



Parcelle 18



Parcelle, collection privée



eaux profondes


Blonville, collection privée

Son travail suit une ligne directrice qui se divise en arborescence : « J’exploite parallèlement plusieurs dynamiques et je réalise souvent différentes toiles en même temps, que je mets de côté, poursuis et transforme à divers moments, cela peut durer des mois ». Cependant, au fil de ces explorations simultanées de plusieurs directions, on distingue nettement une évolution dans son travail, dont elle a pleinement conscience: « J’ai débuté ma carrière à 18 ans. Soutenue par un marchand d’art, je réalisais principalement des abstraits à l’aide d’acrylique, de bombe et au pochoir. Puis, j’ai été inspirée par la musique et les villes, en particulier Venise et New York. J’ai notamment eu un véritable déclic lors d’un voyage à New York. Je ne pensais même pas que qu’il existait des endroits pareils, j’étais une jeune fille timide et je vivais assez recluse. J’ai alors ressenti un besoin de peindre cette ville, de me l’approprier. A ce moment, j’ai commencé à agencer mes toiles en réalisant un élément hyperréaliste se détachant sur un fond abstrait, brut et très coloré. Cette démarche s’inspirait du travail de Toulouse-Lautrec, qui valorise souvent dans ses compositions un élément précis, particulièrement détaillé, en laissant le reste plus flou, à la manière d’un focus photographique. Après une période difficile, la naissance de ma fille a transformé mon travail artistique, j’ai commencé à tracer des lignes, d’abord très droites, puis courbes. En remplissant de couleurs les espaces formés entre les lignes, j’ai obtenu un effet de vitrail, que j’ai souvent accentué en employant des lignes noires évoquant la structure métallique des vitraux».




L'écossais


Rochers, collection privée


Complexe, collection privée


Marine

En effet, devant les toiles d’Anna Nansky, un parallèle se forge immédiatement avec l’art du vitrail. Les tons bleus qu’elle emploie, particulièrement vibrants, évoquent tantôt la lumière du soir tantôt le bleu caractéristique des émaux de Limoges et contrastent avec la chaleur des couleurs rouges et ocre et la douceur des tons roses et violets. Il émane une luminosité particulière de sa palette de couleurs, qui rappelle les vitraux de la cathédrale Grossmünster à Zürich, réalisés en tranche d’agate par Sigmar Polke. Les effets de matière obtenus grâce à l’eau ou à la superposition des couches de peinture acrylique révèlent des nuances qui suggèrent tour à tour la transparence du verre, les aspérités de la pierre, l’aspect organique des cellules. Son usage des couleurs vives et contrastées, séparées en compartiments et en formes abstraites évoque les travaux de Piet Mondrian ou de Maurice Estève. On note également une certaine évolution dans son travail de la couleur : « J’ai commencé par employer des couleurs très vives, en restreignant chaque toile à une seule tonalité de couleur. Puis j’ai entrepris des mélanges et des superpositions».



La balançoire, collection privée



Lagon




Les amants de la tour


Pierres précieuses, collection privée


A travers l’importante production picturale d’Anna Nansky, on perçoit une multitude de sources d’inspirations, dont l’emploi peut considérablement varier d’une toile à l’autre: « Je m’intéresse beaucoup  aux travaux de Juan Gris, Georges Braque, Tamara de Lempicka, Juan Miro, Vassilly Kandinsky, Roy Lichtenstein, Pablo Picasso ou Valerio Adami. De manière générale j’ai toujours aimé le cubisme ». D’autre part, l’artiste reconnaît son intérêt pour les sciences : «  je puise une partie de mon inspiration de  la géologie, la médecine ou l’astronomie ». Cependant, elle ne se limite pas à ces sources d’inspirations savantes et confie également s’appuyer sur son vécu : « Je me suis rendue compte récemment qu’une grande partie de mon inspiration provenait de mon enfance. Souvent il s’agit de souvenirs anecdotiques dont un détail m’a particulièrement marqué. Par exemple, j’ai le souvenir d’avoir été fascinée enfant, lorsqu’en vacances avec ma famille j’observais les cailloux immergés dans le fond des rivières, leur agencement de formes et de couleurs changeantes, transformés par le fil du courant et la transparence de l’eau. Avec le recul, j’ai compris que ces chocs esthétiques de mon enfance restent contenus dans mon inconscient et je les retranscris, parfois malgré moi, dans mon travail ». Si la sensibilité de l’artiste marque d’une forte empreinte le rendu final de son travail, Nansky souligne la nécessité d’une prise de recul dans un second temps pour saisir la teneur de la toile: « Sur mon site, j’ai choisi pour chaque œuvre certains mots-clés, qui retranscrivent les différents sentiments que je lui associe. Néanmoins ceux-ci ne me viennent qu’après la toile achevée, grâce à une prise de distance. » Son travail mêle ainsi construction intellectuelle et sensible, spontanéité et réflexion analytique, dans un processus échelonné et complexe de dégagement d’un esthétisme unique, au fort pouvoir d’attraction.



Péninsule, collection privée


Sakura vernissage



Renaissance



Rondeurs

L’artiste se dirige actuellement vers un travail de dégagement de la forme. En employant d’avantage de blanc et en variant l’épaisseur du contour des formes, elle réalise désormais des toiles plus aérées, qui s’éloignent de la vue du ciel et du vitrail pour s’apparenter d’avantage à des systèmes organiques ou cellulaires. Elle s’intéresse également à de nouvelles techniques et souhaite s’attaquer à la mosaïque et aux émaux. J’invite le lecteur à se rendre sur le site dédié à son travail, où se trouve une grande partie de ses toiles et les annonces de ses prochaines expositions :





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