« union », 165x70x28 cm, feraille, 2014
« untitled », 172x75x75 cm, tuiles, roue, tuyaux, ferraille, 2014
Quand et à quel dessein avez-vous commencé à faire de l’art?
- Chaque fois que je tombe sur un
morceau de ferraille, il chante sa gloire pour moi. Je le regarde,
l’écoute et suis fascinée par tout ce qu’il a à dire. Cela me perturbait
au début, mais j’ai réalisé que les matériaux de récupération sont un
reflet de la réalité. Etant enfant j’ai adoré l’idée de réemployer ce
type de matériel. Je voulais découper les meilleurs morceaux de mes
vieux vêtements et les coudre ensemble pour en créer un nouveau. Cette
réflexion m’a fait penser que rien n’est vieux si vous trouvez un sens à
l’objet. Après l’obtention de mon diplôme en 2007, j’ai commencé mon
périple, à la découverte des décharges qui, pour moi, constituent un
terrain artistique inexploré. J’ai ainsi commencé à visiter de nombreux
dépotoirs et ai recueilli des éléments qui sont considérés comme
inutiles et destinés à être détruits. J’ai développé ma première
sculpture en déchets en assemblant différents objets inutiles et en les
soudants ensembles, puis j’ai renforcé l’esthétique qui s’en dégageait à
l’aide de motifs figuratifs ou tirés de l’art traditionnel népalais.
« Evolving Conciousness », idem, 2012
Vous sentez-vous influencée de manière notable par des artistes, des groupes ou des thèmes?
-Oui, en effet. Mais plutôt que de
l’influence, je me sens très inspirée par le mouvement «Dada». Il s’agit
d’un mouvement international anti-art qui a débuté à Zurich et a fleuri
entre 1916 et 1923. Les membres de ce groupe ont développé un art du
readymade qui rend l’art accessible à tous. De même, j’ai essayé de
réveiller le pouvoir de l’imagination à l’aide de matériaux de
récupération dans ma sculpture. Les gens ont tendance à utiliser puis
jeter et je cherche à trouver et établir l’esthétique des éléments qui
sont considérés comme inutiles et à éliminer. Je veux pousser les gens à
améliorer leur pouvoir d’imagination dans le regard à porter sur les
matériaux indésirables et leur faire saisir que ce qui est jugé
indésirable peut néanmoins constituer le meilleur matériel pour explorer
leur expression créative.
Comment votre travail a-t-il été reçu et avez-vous des soutiens?
- Dans le contexte du Népal, je suis
connue comme l’unique sculptrice de déchets. Je suis la première artiste
à avoir choisi d’explorer des matériaux de récupération pour créer de
l’art. Mes créations sont ainsi très appréciées et je suis soutenue à
chaque étape de mon processus créatif. Je suis fière d’introduire le «
junk art » au Népal.
« Lyrics of Hope », 95x35x30 cm, papier mâché, chaines, feraille, 2011
La situation politique du Népal a-t-elle eu une influence sur la façon dont vous travaillez?
- La situation politique du Népal est
très volatile depuis presque une décennie maintenant, et ma société a
été gravement touchée durant ces dernières années. La vie des gens a été
amplement affectée à la fois socialement et économiquement. Tous les
changements, les luttes et la vie dans cette nouvelle société ont été
d’une grande influence sur mon travail, autant sur l’aspect
socio-culturel que d’un point de vue personnel, car les relations
humaines renforcent et approfondissent les sentiments de joie comme de
tristesse.
- Je travaille dans un style hybride,
fusionnant des éléments modernes et traditionnels. La plupart du temps
je choisis du papier mâché, de la poussière de brique, le panel de
couleur offert par la boue, de la ferraille, différentes tuiles et
tesselles de mosaïque de couleur. J’assemble différentes matières de
rebuts selon ma façon de les conceptualiser puis je les soude ensemble.
Je n’ai jamais de plan prévu de ce que je sculpte parce que je ne sais
jamais quel genre de chose je vais trouver dans les dépotoirs. Je crois
donc au travail de processus, plus spontané, qui s’adapte aux matériaux.
Pour plus d’esthétique, j’incorpore à mes œuvres des motifs népalais
traditionnels.
« Lyrics of Night », 133x37x37 cm, papier mâché, ferraille, 2010
Où trouvez-vous et comment choisissez-vous les objets que vous utilisez pour vos sculptures et installations?
- La plupart du temps je rassemble les
matériaux de différentes décharges. Après mon exposition en 2010
intitulée « Lyrics from the Junk yard » mon travail a bénéficié d’une
bonne couverture médiatique et a reçu de bonnes réponses non seulement
du cercle de l’art, mais aussi de personnes qui ont étés touchées par
mes sculptures. Je suis heureuse que les gens m’appellent pour
recueillir leurs déchets et qu’ils imaginent que je peux les transformer
en leur offrant une nouvelle vie.
Le choix des matériaux au sein
d’immenses casses est une tâche assez difficile. Il y a beaucoup de
choses que vous avez à prendre en compte. Le déchet lui-même a sa propre
histoire qui se déroule depuis sa fonction initiale à sa valeur finale
d’inutilité. Je suis fascinée par ces formes tordues et ses matières
rouillées. En général, je collectionne tout et n’importe quoi à partir
de ferraille et je m’amuse à donner une forme significative à ces
objets.
Quelles sont les nouvelles conceptions et modèles de réflexion que vous voulez explorer?
- Mon travail reflète des
questionnements socio-culturels, politiques et personnels. Je voudrais
travailler davantage sur les personnes humaines en intégrant des
questions socio-psychologiques, des expressions personnelles, l’intimité
humaine, l’évolution moderne de la société impliquée par les échanges
entres espaces géographiques et culturels, les structures familiales,
etc.
« Lyrics of Last Era », 95x76x36 cm, papier mâché,tuyaux de fer, cire, bruleurs à gaz, feraille, 2010
- Je travaille avec plus d’éléments
issus de la récupération, contrairement à mon travail précédent où la
moitié de mes sculptures était constituée par des formes figuratives en
papier mâché, tandis que mes projets en cours impliquent des mosaïques,
des motifs traditionnels népalais et plus de symbolisme semi-abstrait.
« Happy Guard », 115x65x30 cm, tuiles, ferraille ,papier mâché, 2014
Meena Kayastha ne possède pas encore de site globalement dédié à son travail, néanmoins elle possède un tumblr : http://www.tumblr.com/search/Meena+Kayastha et un profil sur Arts Népal : http://www.eartsnepal.com/artist/meena-kayastha.html
où elle propose la vente de certaines de ses œuvres. Je ne saurais trop
conseiller aux lecteurs de s’intéresser à son travail, qui mérite toute
notre attention, et de suivre sa progression artistique.
Adèle Tilouine
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire